Méthodologie pour développer votre super pouvoir de questionner

20 ans à travailler avec les dirigeant·e·s d’entreprises de différentes tailles et dans différents domaines m’ont appris une chose :

Les gestionnaires qui posent de bonnes questions ont un (super)pouvoir et une méthodologie même s’ils ne le savent pas forcément eux-mêmes!

En d’autres mots, au fil de leurs expériences, ces gestionnaires ont développé ce qui semble être un don naturel pour poser des questions.

À force de côtoyer des gestionnaires en tous genres, j’ai remarqué que, confronté·e·s à un problème, celles et ceux qui posaient des questions puissantes ont développé des forces de leadership très spécifiques.

J’appelle ces forces de leadership les 5 clés du processus de questionnement. Elles forment une méthodologie sur laquelle vous appuyer pour développer votre art à poser des questions.

J’espère que cette méthodologie vous aidera à devenir, vous aussi, des passionné·e·s de questions!

Les cinq clés du processus de questionnement : une méthodologie

Clé 1 : Développer le courage de poser ses questions

« Il faut savoir poser des questions qui déboulonnent les certitudes »

— Raymond Lévy ex-PDG de Renault

  • Naviguer dans l’incertitude
  • Prendre des décisions dans des contextes complexes et ambigus
  • Avoir trop ou pas assez d’information
  • Accepter de vivre avec l’anxiété causée par les zones floues

fait partie du quotidien de tou·te·s les gestionnaires d’aujourd’hui.

Questionner le statu quo, remettre en question des recommandations, poser des questions quand on ne comprend pas le pourquoi des décisions demande beaucoup de courage.

Tout doit être livré pour hier, tout va vite, vous n’avez ni le temps ni l’envie de poser la question qui risque de vous faire passer comme trouble-fête. Le courage managérial est le courage de poser ses questions quand même.

Étymologiquement, le mot courage vient du mot cœur. 💗

Le courage demande du cœur, soit une double reconnaissance :

de ses propres émotions d’abord, et d’autre part, des décisions difficiles à prendre dans un contexte où l’on n’a pas toujours toutes les réponses.

Clé 2 : Développer la technique des questions (la partie plus facile)

Six types de questions couvrent à elles seules presque toutes les discussions professionnelles et situations possibles :

  • questions ouvertes;
  • questions fermées;
  • questions inductives;
  • questions de feedback;
  • questions exploratoires;
  • questions de challenge ou provocantes qui mettent au défi.

Sans aller dans les détails de chacun des types de questions, car vous les trouverez dans mes épisodes de podcasts, il faut se rappeler que chaque type de question :

  • a un effet sur vos interlocuteur·trice·s
  • s’utilise dans un contexte différent

Une question n’est jamais neutre; elle a un effet sur la suite de la conversation. La théorie à la base de l’Appreciative Inquiry stipule qu’un système donné commence à changer à partir du moment même où il commence à s’investiguer. Dès la question énoncée, elle a un effet sur le système. On appelle ça le principe de simultanéité.

Développer sa technique de questions, c’est savoir comment construire chacun des six types de questions et en comprendre l’effet pour pouvoir s’en servir dans toutes les situations auxquelles vous êtes exposé·e dans votre milieu de travail.

Vous l’avez vu ou vécu un jour, le pouvoir peut devenir toxique.

Parler de pouvoir, c’est aborder le rapport de force entre les parties, c’est aborder les enjeux de dominant/dominé et de contrôle.

Ne nous cachons pas qu’une question, parce qu’elle n’est pas neutre, peut être à un extrême du spectre et représenter un danger vu son impact négatif potentiel.

Une question peut agresser, blesser, intimider, détruire la confiance et fermer des portes.

En effet, il y a des questions toxiques, et elles ont autant un pouvoir radioactif que les bonnes questions ont un pouvoir positif.

Comme tout ce qui est complexe, les questions ont leurs zones d’ombre.

Maîtriser l’art de la question donne du pouvoir certes, mais ce pouvoir peut être utilisé à des fins hostiles.

En vous outillant à formuler de meilleures questions, vous pourrez d’autant mieux parer à des questions malveillantes ou manipulatrices

Clé 3 : Pratiquer l’écoute

En plus de poser de bonnes questions, il faut savoir écouter les réponses.

Être à l’écoute est un état actif. On entend souvent les mots écoute active, parce qu’elle implique vos sens : l’ouïe et la vue pour observer les réactions des autres et ressentir les émotions.

Par exemple, observer le non verbal fait partie d’une bonne écoute. Être à l’aise avec les silences fait aussi partie d’une bonne écoute. Une bonne question porte à réfléchir et provoque même un silence salutaire et précieux.

Le proverbe dit qu’on a deux oreilles et une bouche parce qu’on devrait écouter deux fois plus qu’on ne parle, surtout lors de conversations difficiles.

Le but de développer son écoute est de permettre le va-et-vient du dialogue, des questions et des réponses.

« Toute connaissance est une réponse à une question »

— Gaston Bachelard

Clé 4 : Vous préparer

Le bénéfice de préparer quelques questions avant vos rencontres et discussions est de commencer votre réflexion sous l’angle de la curiosité.

Qu’êtes-vous curieux·se de savoir?

D’apprendre? De mieux comprendre?

La préparation n’a pas besoin d’être longue, il suffit d’y accorder un moment d’attention.

Une façon de s’y prendre est de se demander :

« Quelle est mon intention dans la discussion à venir? »

« Quel est le but que je me propose? »

Par exemple, si votre intention est de créer des liens avec les autres, les questions seront alors de nature relationnelle. Ce sont les questions que l’on pose plus souvent lors de rencontres de réseautage, de rencontres informelles pour tisser des liens avec les autres.

En réunion d’équipe, pour créer des liens, essayez de préparer une question de réchauffement ou un brise-glace. Je cherche souvent une question qui permettra à chacun de se poser, de se centrer, de se sentir entendu·e en début de rencontre.

Par exemple, « comment arrivez-vous à la réunion aujourd’hui ? » ☀️🌦️⛈️ C’est la météo personnelle.

Votre intention peut être de trouver de l’information. Ainsi, vos questions seront de l’ordre de l’analyse et de la recherche.

« Quelles sont les dernières données sur les ventes du dernier trimestre?»

« Que savons-nous de la situation du client? »

Votre intention aussi peut être d’établir un dialogue. Ce faisant, vos questions seront d’ordre relationnel, analytique ou les deux.

Par exemple, en vue d’une conversation difficile avec un collègue avec qui je ne m’entends pas sur un sujet donné, si je me prépare en amont avec l’intention d’établir le dialogue, la question pourrait être:

« Quelle est la condition de succès la plus importante à tes yeux pour que nous ayons une meilleure collaboration dans nos projets ensemble? »

En pensant à votre intention et à quelques questions avant la rencontre, vous évitez de tomber dans le piège de l’expertise ou des prises de positions hâtives.

Une note à propos des expert·e·s! Plus on est l’expert·e sur un sujet, plus on croit avoir toutes les réponses; voici un gros frein dans l’ habileté à poser des questions. L’expert·e pose des questions dont, en théorie, il ou elle pense connaître la réponse.

Pour l’expert·e, l’art de la question est vraiment l’art de l’écoute. Dans la réponse donnée, dans le choix de mots de la réponse, se cachent souvent des éléments auxquels même l’expert·e n’avait pas pensé ou avait pensé différemment.

C’est la force de l’intelligence collective que vous retrouvez dans le codéveloppement professionnel et l’approche appréciative.

Je vous résume ces deux clés avec une formule « magique »!

Intention + état d’esprit évolutif = question évolutive

« In the word question, there is a beautiful word : quest. I love that word. We are all partners in a quest. The essential questions have no answers. You are my question, and I am yours – and then there is dialogue. The moment we have answers, there is no dialogue. Questions unite people. »

— Elie Wiesel, écrivain et prix Nobel de la Paix 1986

Clé 5 : Développer un état d’esprit évolutif

Carol Dweck, professeur de psychologie sociale à l’Université Stanford étudie les facteurs qui motivent les gens et qui expliquent pourquoi ils réussissent dans la vie ou dans leur carrière. Pour expliquer les facteurs de succès, elle définit le growth mindset (état d’esprit évolutif), comme la capacité de faire évoluer ses idées, ses habiletés, ses forces et ses connaissances.

À l’autre extrême du growth mindset se trouve le limited mindset (l’état d’esprit limitatif) la personne qui, repliée sur ses connaissances, se met des limites dans l’exploration d’autres idées et apprentissages.

Un exemple d’état d’esprit évolutif?

« Je peux améliorer mes habiletés à donner du feedback si je pratique plus et que je suis ouvert·e à apprendre de nouvelles techniques de communication. »

Et un exemple d’état d’esprit limité?

« Je ne suis pas bon·ne pour donner du feedback. »

Le but de se pratiquer à développer un growth mindset est de s’ouvrir à des perspectives différentes afin de voir de nouvelles possibilités invisibles lorsqu’on reste dans un limited mindset.

La base du questionnement repose sur le growth mindset.

Comme disait André Brassard, metteur en scène de génie québécois :

« Ce qu’on sait, ce n’est pas intéressant. Ce qu’on ne sait pas, vaut la peine d’être trouvé. »

Voilà un bel exemple d’état d’esprit ouvert et évolutif qui amène à faire des découvertes, à innover, à tisser des liens avec les autres.

Pour poser de bonnes questions peu importe qui vous êtes ou le poste que vous occupez, la première des qualités à développer est votre état d’esprit évolutif.

Pour conclure…

La méthodologie proposée n’est pas une recette à appliquer à la lettre, car l’art de la question laisse une grande part à l’improvisation dans le moment présent.

Mais, j’espère vous avoir convaincu·e que, parce que vous poserez de bonnes questions, vous ferez des percées significatives dans des situations aussi différentes que donner du feedback ou faire une planification stratégique. Il n’y a rien comme les cinq clés de cette méthodologie pour vous guider.

Vos questions font partie des solutions.

Lepouvoirdesquestions.com est né parce que je crois que les questions que nous avons le courage de poser quotidiennement sont garantes de progrès au travail, dans la vie, dans le monde.

Pour terminer cet essai, je tiens à vous remercier d’avoir le courage de poser vos questions.

En poésie…

Un mot te ressemble
Deux mots te parlent
Tu es silence

Muette, tu as
Tant à dire

Je t’écoute
Tu racontes
Le tambour
Mon cœur
S’inquiète

Parlons-nous

Joséphine Bacon, tiré de Un thé dans la toundra Nipishapui nete mushuat (2013) p.73

Joséphine Bacon est une poétesse Innue de Pessamit sur la Côte-Nord du fleuve Saint-Laurent au Québec.  Elle vit à Montréal.

« The power to question is the basis of all human progress »

— Indira Ghandi

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